Partir en vacances en voiture électrique, galère en vue ? Nous avons fait le test !
L’horloge de la voiture indique 7h05 ce vendredi 19 août. La température est clémente, 14°C déjà, et l’autonomie de notre voiture, malgré sa charge à 83%, affiche plus de 360 km d’autonomie. Largement de quoi rallier la station Ionity de Saint Witz, au nord de Paris, notre première halte envisagée.
Préparation
Parce que oui, un départ en voiture électrique s’anticipe un minimum. Nul besoin de savants calculs, mais repérer les stations de charge rapide sur le trajet est indispensable. Chargemap, la plus connue des applis de recensement des bornes, sera donc d’une aide précieuse pour planifier les arrêts sur l’itinéraire. Et d’autres comme A Better Route Planner peuvent même se charger de calculer pour vous les arrêts et durées de charge pour optimiser la durée du trajet.
Car si le GPS embarqué de l’Enyaq peut vous proposer automatiquement des arrêts de charge pour arriver à bon port, ses données semblent cruellement datées, et il ne trouve qu’un nombre restreint de bornes. Avec pour résultat qu’il suggère des bornes hors trajet et/ou à la puissance limitée à 50 kW, voire même parfois 22 kW ! De quoi promettre de longues heures de branchement si l’on omet l’étape de préparation.
Puisque nous voyageons à trois, avec un enfant de 4 ans, nous préfèrerons prendre le temps, et faire une pause toutes les 2 à 3 heures de route. Et tant qu’à faire, descendre à notre destination en deux jours par les itinéraires bis, en évitant les péages. Après tout, c’est les vacances, on a le temps !
Ca commence fort…
C’est toutefois par l’autoroute A1 que nous rejoignons la station Ionity de Saint Witz, près de l’aéroport de Roissy. Une première portion qui nous réservé déjà une bonne surprise : une consommation moyenne de 20,1 kWh/100km, à des vitesses comprises entre 110 et 130 km/h, et ce malgré notre voiture chargée de tout le nécessaire à une semaine de camping : tente, petit mobilier, ustensile de toilette et de cuisine, etc. ; bardée en prime d’un porte-vélo. Pas mal.
Nous nous branchons donc à la seule borne inoccupée, et… pas de chance pour nous, elle ne délivre que 31 kW, alors que notre Enyaq peut en accepter 130 ! Et l’ordinateur de bord d’afficher un temps de charge… d’1h45 ! Gloups.
Nous attendons donc le départ de notre voisin pour sauter sur son emplacement. Et là, la borne nous délivre… 70 kW. C’est mieux, mais toujours pas autant que les 130 que peut accepter l’Enyaq. Au final, faire remonter la charge de notre monture de 15 à 80% (la limite conseillée par la plupart des constructeurs pour ne pas user la batterie lors des charges rapides) nous aura demandé une petite heure, soit près du double du temps escompté. Et il est ainsi près de 10h45 heures lorsque nous reprenons la route depuis le parking de l’hôtel où se trouve la station de charge.
Le chemin des écoliers
Heureusement, le trafic à cette heure est fluide, et le GPS désormais paramétré pour « Eviter les routes à péages » nous fait contourner la capitale française pour rejoindre la N20 et piquer droit vers le sud en direction d’Orleans. Les estomacs commençant à se faire entendre, nous nous arrêtons dans la charmante commune de Lamotte-Beuvron, 184 km plus loin. Et puisqu’il y a une borne de charge sur la Place du Marché, nous en profitons pour redonner un peu de jus à la batterie de notre Enyaq, qui n’en avait pas vraiment besoin puisqu’encore capable de rouler 194 km d’après l’ordinateur de bord. La borne ne délivre que du courant alternatif AC, limitant de fait la charge à 11 kW, maximum accepté par l’Enyaq. Le temps d’un lunch léger, nous repartons 45 minutes plus tard et 47 km d’autonomie gagnés en direction d’Angoulême, notre escale pour la nuit 304 km plus loin. Une petite halte de 30 min à mi-distance pour requinquer à 80% notre batterie sur une nouvelle borne Ionity, sans encombre cette fois, et nous arrivons à notre hôtel avec encore plus de 187 km d’autonomie. Pas besoin de charger pour la nuit donc, une station TotalEnergies au nord de Bordeaux sur les 281 km nous séparant de notre destination finale le lendemain fera l’affaire. Quoique arrivé à l’arrêt prévu, petit problème : 2 bornes sur les 4 délivrant 190 kW sont hors-service. Un conducteur néerlandais en Kia Soul EV arrive en même temps et se branche donc sur le second emplacement fonctionnel. Pas de chance pour les deux autres électriques qui arrivent quelques instants plus tard : il faudra patienter une petite demi-heure, le temps que notre Enyaq et notre voisin aient reboosté leur batterie. A quelques minutes près, c’est nous qui aurions fait la file ! Ouf.
Mais nous arrivons finalement à destination sans embûches, avec environ 50% de charge restante pour couvrir nos déplacements de la semaine sans se soucier d’avoir à charger. Nous aurons parcouru 1.066 km en 15h19, auxquels s’ajoutent 2h45 de charge. Un temps plus qu’honnête en tenant compte du fait que nous avons opté pour un parcours qui nous a gardé la plupart du temps loin des autoroutes. Et la consommation dans ces conditions est impressionnante : 17,5 kWh de moyenne seulement !
Retour direct
Pour le retour en revanche, pas le temps de trainailler. Ce sera le chemin le plus direct, par l’autoroute. La journée classée rouge par Bison Futé laisse présager d’une circulation difficile, mais ma plus grande crainte est l’affluence aux stations de recharge. Heureusement, notre camping était doté de deux bornes de charge lente (6 kW), qui nous ont permis de reprendre la route vers la maison avec une batterie chargée à bloc. Et plus de 420 km annoncés à l’ordinateur de bord ! Mais l’autoroute n'est guère propice à favoriser l’autonomie, et les bouchons attendus bien présents freinent notre progression. Premier arrêt donc après 263 km parcourus en… 4h12 ! Charge Ionity ok, on repart quelques dizaines de minutes plus tard, jusqu’au nord de Tours cette fois, 260 km plus loin.
Malgré la préparation indispensable évoquée ci-dessus, on n’est jamais à l’abri d’une petite erreur. Et c’est ainsi que ce que je pensais être une autre station Ionity (qui est, vous l’aurez compris, le réseau de bornes rapides le plus développé actuellement), se trouve en fait de l’autre côté de l’autoroute, nécessitant un détour de… 38 km ! De notre côté, une borne Vinci perdue au fond du parking délivre un maximum de 52 kW en courant continu. Cela fera l’affaire, mais nous resterons donc arrêtés 1h, soit deux fois plus longtemps que prévu à nouveau.
Nous repartons pour atteindre à nouveau la station Ionity de Saint-Witz dans la soirée. Station dans laquelle il nous faudra cette fois trois essais pour lancer la charge correctement ! La première borne ne reconnaissant pas nos cartes de recharge (voir ci-dessous), la seconde ne délivrant à nouveau que 31 kW comme à l’aller. Néanmoins une trentaine de minutes suffisent à nous permettre de repartir pour la dernière liaison de 225 km, et arriver avec encore un « rab » d’une petite centaine de kilomètres à domicile. Bilan de ce retour : 2 charges de 30 minutes, 1 charge d’1 heure suite à ma petite inattention. Soit 2 heures de pause au total sur un trajet de 1.000km, ce qui correspond à un arrêt toutes les 2h30 de route ! Un bilan finalement assez proche de ce qu’il aurait été avec une voiture thermique, surtout avec des enfants à bord ! Et cerise sur le gâteau : une conso autoroutière de 19,3 kWh des plus épatantes.
Enseignements et coûts
Au total, ce périple de 2.045 km en voiture électrique nous aura appris plusieurs choses. Premièrement, que malgré les développements des constructeurs, une préparation du trajet en amont reste indispensable. Deuxièmement, que disposer d’une ou plusieurs cartes de recharge est vivement conseillé. Ionity permet le paiement via Smartphone à ses bornes, mais ce n’est pas le cas de tous les opérateurs. Pour cet essai, nous avions la carte de charge d’EDI (le département « mobilité verte » de D’Ieteren) fournie par Skoda. Celle-ci n’étant pas acceptée sur la borne Iziva au camping, ni sur la Vinci au retour, nous avons donc dû utiliser notre seconde carte, Shell Recharge. Troisièmement, que le coût des recharges reste particulièrement opaque. Il n’est en effet pratiquement jamais affiché à la borne, et il faut consulter là encore son smartphone pour connaitre, via l’app liée à la carte de charge, ce que va nous coûter un « plein ». Et parfois, cela demande de sérieux calculs car au coût du kWh délivré s’ajoutent parfois un coût de connexion et une facturation à la minute de branchement ! Bonne chance pour évaluer la facture totale. Avec parfois de mauvaises surprises : la borne Iziva facturait… 5€ de frais forfaitaires à chaque connexion !
Au final, le bilan de ce voyage est des plus positifs, et permet de rassurer les plus inquiets : partir en vacances en voiture électrique est loin d’être la « chasse à la borne » dépeinte par ses détracteurs ! Avec en prime, une économise substantielle à l’usage : au total, le coût brut (hors tarifs préférentiels des abonnés Ionity par exemple) des recharges s’est élevé à 202,75€. Un rapide calcul avec un équivalent à essence qui réclamerait 8l/100 km (ce qui semble un minimum, chargé comme nous l’étions) à 1,8€/l nous permet d’évaluer à environ 288€ le coût des pleins de sans-plomb. Alors bien sûr, les plus tâtillons dirons que nous avons eu de la chance d’avoir toujours une borne disponible immédiatement. C’est vrai, mais il en faut parfois…