L'humeur de Philippe Casse : antiphrase
Le trop fameux plan « Good Move » lancé par Elke Van den Brandt (Groen) la ministre de la mobilité de la Région de Bruxelles-Capitale n’en est-il pas un exemple d’anthologie ? C’est même pour moi l’exemple parfait d’antiphrase car de toutes parts et encore davantage de la part des partis dits « verts » on milite pour la réduction de la « pression automobile » (expression consacrée). Or la première conséquence des zones soi-disant « apaisées » du fameux plan est qu’il génère automatiquement un supplément de kilomètres par véhicule à cause de l’allongement des parcours dû aux nombreux sens interdits qu’il met en place, contraignant les conducteurs à des détours.
Deuxième exemple d’antiphrase !
Par ailleurs, les mêmes « verts » militent pour que les constructeurs de voitures mettent sur le marché des voitures beaucoup plus légères mais ils leur imposent maintenant qu’elles soient électriques ce qui, suivant les modèles, alourdit leur masse de 200 à 600 kg !
Troisième exemple d’antiphrase !
On peut aussi légitimement s’interroger sur la portée véritable de l’interdiction de vente des voitures thermiques neuves en 2035 et leur remplacement obligé par des électriques. Il paraît incontournable qu’à cet horizon, la majeure partie d’entre elles seront encore des modèles à batteries et pas encore à pile à combustible et hydrogène, avec l’espoir que la part de vert de ce dernier décolle des risibles 2% actuels. Sans compter que le poids des électriques nettement supérieur à celui de leurs équivalentes thermiques et les « tentations » que donne à leur conducteur leur courbe de couple plate pèsent énormément sur leur consommation et plus encore sur ses excès. Mais surtout, il n’y a aujourd’hui que deux pays européens, la Norvège et la France, où la production de l’électricité consommée par la recharge d’une électrique fait émettre moins de CO2 que l’usage d’une diesel équivalente. Et, en plus, certaines centrales nucléaires sont en travaux et on a décidé d’en fermer d’autres.
Quatrième exemple d’antiphrase !
Enfin, les premiers écologistes nous ont convaincus sans cesse davantage que nous devions tout faire pour limiter au maximum nos émissions de CO2. Mais la campagne anti-diesel à laquelle les verts ont apporté leur soutien avec force a eu comme première conséquence de faire douter de très nombreux automobilistes des vertus du moteur diesel de leur voiture. Et ils ont donc acheté une voiture à essence pour remplacer leur diesel. La conséquence en a été que, pour la première fois depuis qu’on la calcule, la moyenne des émissions de CO2 des nouvelles immatriculations belges de 2019 a augmenté de 6% (1/16ème pour ceux qui préfèrent les fractions, souvent plus parlantes) par rapport à celles de 2018 et, qu’en plus, celles de 2020 ont augmenté d’une nouvelle fois 6% par rapport à celle de l’année précédente.
L’Etat y gagne
Ce dernier exemple est d’autant plus regrettable qu’en plus d’une consommation nominale plus élevée en essence qu’en diesel, toutes choses restant égales par ailleurs, la variation de la consommation d’une même voiture entre un bon conducteur et un autre au style plus brutal et qui anticipe moins est nettement plus lourde en essence qu’en diesel. Certains parlent de deux fois plus importante. Les seules gagnantes dans ces nombreux changements de choix des automobilistes sont bien évidemment les finances de l’État, sans aucun doute très heureuses de percevoir ainsi davantage de TVA et d’accises par voiture. Ce qui ne manquera pas de compenser pour un temps le déficit incontournable en la matière parce qu’il bien est évident qu’une voiture électrique en plus sur la route induit automatiquement une voiture thermique en moins ! Il est vrai que l’État est le seul parmi les quelque 4,8 millions de « ménages » belges à pouvoir adapter ses revenus à ses dépenses et pas à devoir s’astreindre au contraire, comme tous les autres…
Dispersion
Certes, la matière est extrêmement complexe mais il faut quand même reconnaître que les grands acteurs de l’industrie automobile pourraient donner l’impression qu’ils se sont davantage concentrés sur la concurrence entre les marques que sur la promotion des vrais challenges qui s’imposent à l’Automobile (avec un « A » majuscule). Il aurait fallu qu’ils expliquent mieux comment faire, à la fois aux automobilistes et aux multiples autorités dont elle dépend. Et, dans ce domaine comme dans bien d’autres, il est dommage que le temps perdu ne se rattrape jamais.
L’incroyable dispersion des pouvoirs belges en la matière stupéfie littéralement les personnes auxquelles on explique que, chez nous, l’Automobile et surtout son usage tombent dans les responsabilités de rien moins que douze ministres. Quand bien même seraient-ils de la même couleur politique, un étudiant en première candidature de management vous expliquera que cela ne peut pas fonctionner de façon efficace !
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Philippe Casse
Historien de l’automobile et observateur très bien informé du temps présent, Philippe Casse, ancien responsable des relations publiques chez D’ieteren, nous livre dorénavant ses analyses… avec lesquelles on n’est pas obligé d’être d’accord !