Laurens Vanthoor : « Je garderai à jamais l'image de ma petite fille me criant papa t'es champion du monde ! »
Cela n'a pas été facile. Mais c'est fait. A 33 ans, le Hasseltois vivant à Zolder Laurens Vanthoor est devenu ce samedi sacré champion du monde d'endurance. Cela fait 41 ans et le double sacre d'un certain Jacky Ickx, déjà sur Porsche, que la Belgique attendait cela.
Alors Laurens, comment s'est passée ta première nuit de champion du monde ?
« Je n'ai pas beaucoup dormi à vrai dire. Quatre heures à peine. Mes équipiers Kevin et André ont essayé de me saouler samedi soir, mais ils n'y sont pourtant pas parvenus. Je ne bois pas d'alcool. J'étais au lit à 2h du matin et là je me suis mis à réfléchir à tout, à la vie. J'ai eu du mal à trouver le sommeil. J'ai commencé seulement à réaliser ce qui m'arrivait. Et à 6h j'étais debout. »
On a vu des larmes couler durant le tour de décélération. A qui ou quoi pensais-tu ?
«A rien de spécial. Ma tête était vide. C'est surtout que j'ai relâché la pression après un week-end difficile. Dans notre position, avec autant d'avance, tu ne veux pas faire le con et le perdre. Je ne pouvais pas prendre de risques. C'était très stressant. J'étais heureux que ce soit fini et que le titre soit tombé même si cela a été une course de m... On avait heureusement assez d'avance après une top saison puisqu'on finit avec 35 points d'avance. Merci à Porsche, à mes équipiers, à tous les gens impliqués.»
Cela a été compliqué dès le départ raté et la bousculade du premier tour...
« Les premières lignes ont accéléré beaucoup trop tôt. La direction de course a mis le vert quand les Toyota étaient sous les feux. J'ai cru qu'on allait avoir un nouveau tour de formation. Pour moi, une erreur a été commise. Il faudra rediscuter de cela. Ensuite, Miguel Molina ne m'a pas facilité la tâche. Je ne dis pas qu'il l'a fait exprès de me pousser mais il n'a pas tout fait non plus pour me laisser la place sur la piste. Mais on s'en est sorti au final. On a toujours été en position de virtuels champions et je n'ai jamais réellement douté même si parfois cela tournait dans ma tête. J'ai eu quelques pensées négatives. Je dois encore travailler là-dessus. »
Quelle image garderas-tu de ce premier titre mondial ?
« Celle de ma petite fille avec son drapeau quand j'ai ouvert la portière de ma Porsche. Elle était là avec ma femme et a crié papa tu es champion du monde. Je m'en souviendrai toute ma vie. C'est le plus bel accomplissement que je pouvais espérer imaginer depuis que j'ai arrêté la monoplace pour l'endurance. Je remercie ma famille proche de me supporter, au propre comme au figuré. Je sais que ma femme est souvent seule, qu'elle se lève tôt le matin pour s'occuper de la petite pour me laisser dormir plus longtemps. J'apprécie tout cela. On forme une équipe.»
A qui d'autre voudrais tu dédicacer ces lauriers ?
« A mes parents bien sûr qui m'ont permis de faire mon sport dans les meilleures conditions et ont toujours cru en moi. Il y a beaucoup d'autres personnes qui ont compté comme Vincent Vosse. Mais si je ne devais en citer qu'une en dehors de ma famille je dirais J-G Mal-Voy. On a beaucoup discuté ensemble. C'était un grand passionné. S'il était encore là, il serait très fier de moi aujourd'hui. Car le plan a bien fonctionné. »
Ton petit frère Dries a été un des premiers à venir te féliciter. Etait-il prêt à lever le pied et te faire gagner une place en fin de course si tu en aurais eu besoin ? En aviez-vous discuté avant la course ?
(Il rigole) « Oui et oui. Mais heureusement je n'ai pas eu besoin de son aide. Je lui ai ouvert la voie de l'endurance. Il a quitté la monoplace encore plus jeune que moi pour suivre mon exemple et je pense qu'il en a toujours été très heureux. »
Il y a dix ans tu voulais déjà devenir champion du monde d'endurance ?
« Non. Je voulais d'abord disputer les 24H du Mans. A cette époque, je n'aurais même jamais imaginé pouvoir me battre pour le titre. Parfois la réalité est mieux que ce que vous espériez. »
Aucun regret d'avoir arrêté la F3 et la filière monoplace ? Tu n'échangerais pas aujourd'hui ta couronne mondiale contre une saison chez Sauber en F1 ?
« Certainement pas! Honnêtement, même si j'aurais sans doute pu continuer à gravir les échelons en monoplace, je n'ai jamais regretté mon choix. Je me suis complètement épanoui en endurance où je suis très vite devenu pilote officiel pour Audi puis Porsche et j'ai gagné ma vie en faisant ce que j'aime le plus. »
Tu as rejoint Jacky Ickx au palmarès. Quarante et un an que la Belgique attendait cela. Monsieur Le Mans t'a t-il déjà envoyé un message ?
« Non. Je ne pense pas qu'il ait mon numéro. J'ai reçu énormément de messages. Je suis vraiment étonné de l'impact de ce titre auprès des gens. Cela me fait chaud au coeur. »
Et maintenant, c'est quoi le prochain rêve ?
« Là je vais me détendre deux jours en famille à Bahreïn avant de disputer les essais de pneus mardi. Puis il sera temps de me concentrer sur la World Cup GT à Macau. Cette course que j'ai déjà remportée m'excite. J'aimerais bien pouvoir réaliser le grand chelem. Il y a beaucoup de stress évacé maintenant. J'ai le sentiment du devoir accompli. Mais cela ne signifie pas que je vais allez relax à Macau. Je me suis lâché au petit dej ce matin. Mais dès demain, je reprends mon régime strict.»
Et après ?
« Tu sais très bien que l'un de mes objectifs est de gagner toutes les courses de 24H. J'en ai déjà remportées trois. Je veux la Rolex de Daytona et remporter les 24H du Mans est le rêve ultime. »
Jacky Ickx a remporté deux titres mondiaux d'affilée. Tu espères garder ta couronne en 2025 ?
« Bien sûr que je vais essayer. On va tout faire pour même si dans ce sport ce n'est pas comme en cyclisme. Quand tu es bon une année sur deux roues, tu sais que tu le seras encore la saison suivante. Ici c'est différent avec ces systèmes de BOP. Regardez un peu le niveau de perfs de Toyota ce week-end. C'était ridicule..."