Ulysse De Pauw : « J'espère pouvoir vite rebondir »
Si vous tapez son nom sur le site « Driver Data Base », vous verrez qu'Ulysse De Pauw compte déjà 123 courses en voiture à son actif dont 12 victoires, 7 poles et 36 podiums. Sans oublier bien sûr un titre en GT Sprint catégorie Silver Cup en 2022. Un solide palmarès qui ne lui a, hélas, pas encore permis de devenir pilote pro. Au moment de son envol vers le statut de pilote Ferrari en GT, son rêve a viré au cauchemar. Aujourd'hui, le revoilà sans volant. Tout est à refaire. Le talent ne suffit hélas pas dans ce monde impitoyable où l'argent règne en maître. Retour sur le parcours parfois chaotique d'un jeune pilote belge qui, à l'aube de ses 23 ans, ne regrette rien. Enfin presque...
Ulysse d'où est venue ta passion pour le sport auto ?
« De mon parrain, Pierre Sevrin, l'un des patrons du Delahaye Racing. Je venais avec mes parents le voir rouler en Formule Renault 1600 à Francorchamps ou Zolder. Ma maman était aussi copine avec le grand frère du pilote-journaliste Stéphane Lémeret qui est vite devenu mon manager quand les résultats ont commencé à suivre en karting. »
Tu as démarré très jeune en kart, à Amay, avec le team wavrien VDK.
« Oui, j'habite à Grez Doiceau et les frères VDK ont leur atelier à côté de celui de Delahaye. On a débuté en Mini Kart à Amay avec Ugo (de Wilde) et les frères Muth notamment. Ils ont consenti des efforts pour me faire rouler à l'échelon national puis international car je n'avais pas beaucoup de sous. Je leur dois beaucoup. Ce sont eux qui ont lancé ma carrière.»
Quel est ton meilleur souvenir en karting ?
« Mes premières courses internationales en OK Junior à la Conca, Zuera ou Kristianstad en Suède avec le team VDK. Cela marchait fort. Stéphane Lémeret a commencé alors à m'aider. Et via un contact avec son ami Jos Claes, j'ai eu l'opportunité de devenir pilote officiel Birel ART, l'équipe rachetée par Nicolas Todt et Alessandro Alunni Bravi aujourd'hui patron de Sauber F1. J'ai été obligé de quitter VDK car du côté italien on me promettait monts et merveilles et surtout je ne devais pas payer pour rouler. Je regrette ce choix car je pense que si j'étais resté avec l'équipe wavrienne mon palmarès en kart aurait été meilleur. »
« Nicolas Todt a sans doute préféré Collet à moi quand il a su que mon papa n'était qu'un petit entrepreneur. Du coup mon équipier brésilien gagnait des courses et je n'arrivais plus en finale...»
Pourtant cela s'est bien passé au début avec Birel Art puisque tu as brillé lors des courses hivernales de la WSK ?
« Oui quand j'étais seul pilote de pointe, tout se passait bien. On a gagné une course et un trophée énorme. Le problème est qu'on était rapides sur les pistes italiennes, mais dès qu'on allait rouler ailleurs en Europe, sur des pistes qu'ils ne connaissaient pas par coeur, c'était plus compliqué. Les châssis OTK étaient plus faciles à faire fonctionner partout. La deuxième saison est arrivé un jeune Brésilien, Caïo Collet. Au début, je le devançais ou je faisais jeu égal avec lui. Puis Alessandro qui en avait marre de servir les plats à Todt s'en est allé. Au mois de mai ou juin, je me souviens que mon père est venu me chercher à Lonato avec Stéphane Lémeret pour aller à un rendez-vous en Suisse avec Nicolas Todt qui m'a offert un chocolat et nous a pris pour des idiots. Je me demande toujours ce qu'on est allé faire là-bas. Par la suite, je n'arrivais plus à me qualifier pour les finales que remportait Collet. J'ai compris pourquoi quelques mois plus tard quand j'ai appris que le Brésilien avait signé un contrat avec All Road Management, la société de Nicolas Todt. Sans doute avait-il fait son choix quand il avait appris que mon papa était un petit entrepreneur qui travaillait tout seul. Du coup, j'ai claqué la porte et je suis allé disputer les deux dernières manches dont le Mondial de Bahreïn avec l'usine Kosmic. »
Mais alors que tu faisais partie des favoris avec Pourchaire et Martins en OK-Junior, tu t'es retrouvé engagé en dernière minute en Senior, pourquoi ?
« Car j'avais obtenu une dérogation pour rouler en Super X30 en Iame. Ce que je ne savais pas c'est que du coup je ne pouvais plus revenir dans la catégorie inférieure pour le Mondial. J'aurais pu mais Birel qui n'avait pas digéré que je sois parti a demandé des éclaircissements à la CIK et du coup j'ai été bloqué. Alors que j'avais effectué tous les tests en Junior, j'ai dû au pied lever participer au Mondial en Senior. Alors que tout le matériel était déjà parti là-bas. Sans entraînement. Finalement je m'en suis bien tiré avec une dixième place en finale, mais cet imbroglio a fait qu'on en est resté là avec l'usine Kosmic. »
« Les futurs pilotes de F1 se font repérer aujourd'hui dès le karting »
Tu es donc retourné chez VDK...
« Exact. En début d'année, j'étais l'équipier du champion du monde Junior Victor Martins. Et je l'ai battu deux fois. Puis lui est parti rouler en F4 et je me suis retrouvé seul ce qui ne m'a pas aidé. Cette année-là fut aussi celle où j'ai le plus grandi. Je prenais plus le vent que mes rivaux et les résultats s'en sont fait ressentir. Ce sont souvent des petits et légers qui gagnent en kart. »
Comme Dries Van Langendonck aujourd'hui ?
« Exact. Il roule très bien et est dans le contexte idéal avec Forza qui est une très bonne écurie anglaise. Il se trouve au bon endroit au bon moment. Avec une bonne société de management et maintenant un contrat au sein de la filière McLaren F1. »
Les pilotes de F1 se font aujourd'hui repérer et prendre en charge dès le karting ?
« C'est dingue, oui. Cela n'existait pas à mon époque. Aujourd'hui, je coache de temps en temps des pilotes pour VDK et j'hallucine quand je vois dans les paddocks des recruteurs ou responsables de filières Red Bull, McLaren, Mercedes ou Alpine. Aujourd'hui, le kart coûte encore deux fois plus cher. Pour rouler à l'international, ou tu es ami avec le patron d'un des teams ou tu paies 200.000 euros. C'est très simple. Il y a toujours des managers et de plus en plus de fils de millionnaires. Et pour moi, si tu es millionnaire, tu n'as pas besoin de manager. »
Tu n'as jamais songé à créer ton propre team ?
« Non, cela coûte beaucoup trop cher. Tous les gros teams aujourd'hui ont des gros investisseurs derrière eux : WRT, Comtoyou, Iron Lynx, United… Ou sont directement soutenus par l'usine. VDK fait exception mais eux sont là depuis plus de vingt ans. Même un gars comme Maxime Martin n'est pas parvenu à créer son propre team. C'est dire si c'est compliqué. »
« En F4 française, ils font gagner qui ils veulent. Mon unique victoire à Spa a été arrangée car je roulais devant le RACB qui finançait ma saison »
Ensuite, tu as gagné le volant RACB National Team qui t'a donné droit à une saison en F4 française.
« Je voulais le faire car j'étais devenu trop grand pour percer en kart et mon rêve était de piloter des voitures, d'aller le plus haut possible en monoplace. Je ne sais pas si j'aurais pu franchir le pas vers la voiture sans le coup de pouce de la fédé car cela coûtait déjà cher, environ 150.000 euros sans les frais et essais. »
Tu savais dès le départ que ce n'était qu'un contrat d'un an ?
« On avait signé un contrat d'un an avec option. Au départ, on ne me parlait pas de résultat. Puis à deux courses de la fin de saison, on m'a soudainement dit que je devais terminer vice-champion sinon c'était fini. Je ne sais pas si c'est car ils craignaient que je termine derrière Ugo au championnat ou car ils avaient compris que de toute façon je n'avais pas d'argent. De l'autre côté, Guillaume de Mevius mettait sa voiture de rallye sur le toit tous les week-ends et à lui on ne disait rien. »
Tout était offert cette année-là ?
« Non, pas du tout. La saison et deux séances d'essais communes étaient payées. Je devais prendre en charge les frais de voyage, les essais supplémentaires et la casse. Cela représentait quand même une certaine somme. Caio Collet et Théo Pourchaire avaient leur propre F4 et roulaient régulièrement en essais. Et ils avaient payé 20.000 euros en plus pour avoir leur propre ingénieur alors que tous les autres devaient faire la queue après les essais et courses pour débriefer et analyser les datas avec un ou deux ingénieurs stagiaires communs. »
Cela ne restera donc pas un bon souvenir ?
« Pas du tout. Le pire. C'était nul. Je n'ai pris aucun plaisir. Je ne conseille à personne de faire ce championnat où l'on n'apprend rien. La seule chose que j'ai apprise c'est qu'ils font gagner qui ils veulent quand cela les arrange. C'est de la foutaise. Je ne sais pas s'ils m'ont mis en panne, pourquoi au Castellet aux essais libres j'étais à trois secondes. Mais par contre je suis certain qu'à Francorchamps, quand je roulais devant les représentants du RACB qui payaient ma saison, ils m'ont fait gagner. Je me suis imposé les doigts dans le nez. Même lors de la course inversée je suis parti 10ème et j'ai terminé 2ème. Sur le moment, j'ai pensé que j'avais eu un déclic, génial que j'étais au top. Mais ce fut mon seul succès de l'année. Dès la course suivante à Dijon, je pointais de nouveau à cinq ou six dixièmes des meilleurs. Quand Nicolas Todt est venu voir rouler son pilote Caio Collet à Magny-Cours, il a gagné les deux manches facilement. Et quand Charles Leclerc est venu supporter son petit-frère Arthur il a signé de loin sa meilleure qualif de l'année. Comme par magie ! »
Après la finale du Castellet, tu as terminé 5e au championnat et tu as été très dur avec toi-même. Pourquoi ?
« Je savais que cela allait être terminé. J'étais hyper déçu. Je venais d'achever une année de m... où je me suis retrouvé seul, livré à moi-même. Il y avait juste un gars qui me conduisait et faisait des messages à Geoffroy Theunis. Il ne servait à rien. Je n'étais conseillé, coaché par personne. Et je n'avais pas un père pilote pour m'aider. Et on a dit à Stéphane Lémeret qu’il ne pouvait pas venir dans le paddock « car le RACB s’occupait de tout ». J'avais l'impression d'être à l'école avec des briefings dignes d'une course de kart de loisirs. On a encore fait l'effort d'effectuer des tests en F4 avec Race avec qui on envisageait de rouler en F4 allemande ou italienne l'année suivante. On a envoyé nos résultats à Geoffroy Theunis, mais il n'en avait plus rien à faire. En novembre, on nous a réunis autour d'une table à la fédé où il y avait des gens comme Bas Leinders qui donnaient leur avis alors qu'il n'est pas venu une seule fois me voir rouler. On m'a fait comprendre que c'était terminé. On était déjà fin novembre... »
Tu as néanmoins réussi à rebondir grâce à quelques amis et mécènes...
« Oui grâce à Matthieu de Robiano, chez qui Stéphane Lémeret roulait en Fun Cup, on a pu réunir quelques personnes autour de moi qui souhaitaient m'aider. Durant cet hiver on a été à deux doigts de signer avec Race pour refaire une saison de F4 en Italie ou en Allemagne. Le problème est que le team découvrait la discipline face à des teams expérimentés comme Prema et Van Amersfoort avec des pilotes qui mettent un million pour faire 55 courses sur l'année. Au final, de nouveau grâce à Jos Claes, on a pu trouver un deal avec l'équipe Douglas pour disputer le championnat d'Angleterre de F3. Je ne regrette pas du tout ces deux saisons. Honnêtement, il aurait été difficile de faire mieux avec le budget et les moyens que nous avions. On s'est battu face à des teams réputés comme Carlin, Hitech ou Fortec. La première année, j'ai terminé 6e ou 7e du championnat. Puis lors de la seconde, on a gagné 3 courses et terminé 3e du championnat derrière Frédérickx et Kush Maini aujourd'hui en F2. J'aurais pu faire encore mieux sans une disqualification lors du premier meeting. Ensuite on a essayé de passer en F3 FIA ou en Formula Regionale, mais c'était impayable. Et il n'était pas question pour moi de rouler avec un team de seconde zone comme Charouz avec lequel je savais que je n'aurais aucune chance de briller. »
Du coup, tu es passé en GT3...
« L'idée était d'abord d'aller en LMP3. Après un test positif, nous avions un accord avec United Autosport pour que je devienne l'équipier de Wayne Boyd en ELMS. Le contrat nous a été envoyé mais au dernier moment le sponsor qui devait payer la plus grande partie du budget s'est rétracté. Du coup, il a fallu se rabattre sur le GT3 Sprint avec la Bentley de chez CMR. Je savais qu'il serait difficile de m'illustrer dans ce contexte, mais cela m'a permis de découvrir la discipline, de disputer mes premières 24H de Spa, un rêve de gosse, et de faire la connaissance de Pierre-Alexandre Jean. »
« 2022 fut ma meilleure saison. Plus que le titre, je me suis fait remarquer avec deux poles absolues en GT3 à Brands Hatch et Valence. »
A l'aube de la saison 2022, tu as négocié avec deux gros teams pour repartir en GT3.
« Exact. J'avais deux propositions de WRT pour disputer soit le sprint soit l'endurance en Silver avec Neubauer et Goethe. C'était mon premier choix. Mais mon manager avait de bonnes relations avec AF Corse et m'a convaincu qu'il était mieux pour moi de rouler sur une Ferrari 488 en Sprint car là je ne serais pas la cinquième roue du carrosse. Avec AF Corse, j'étais le seul équipage de pointe Ferrari en Sprint. On roulait sur la 51, la Iron Lynx, avec Pierre-Alexandre qui était l'équipier idéal. Il faisait le job correctement et nous a permis de remporter plusieurs courses et le championnat Silver avant même les finales. Lors de mes cinq qualifs, j'ai signé cinq poles en Silver, mais surtout deux au classement général ce qui m'a permis de me faire remarquer. J'étais toujours dans les quatre ou cinq plus rapides. Cela a été ma meilleure saison à ce jour. J'ai aussi été invité cette année-là par WRT à disputer les 24H de Spa et l'on a fini sur le podium de notre catégorie. J'ai encore roulé en British GT sur une Mercedes. C'était la première fois que je roulais gratuitement. J'ai signé une pole et on a une fois même remporté le classement général alors que j'évoluais en Silver-Am. Puis en fin d'année, il y avait un clash entre Petit Le Mans et la finale GT World Endurance à Barcelone. Amato de chez AF Corse a proposé que je remplace Alessio Rovera en Espagne. Tout était arrangé, les combinaisons étaient faites, mais finalement Iron Lynx qui râlait sur Ferrari car ils n'avaient pas le programme en Hypercar a refusé car leur contrat stipulait qu'ils devaient avoir un pilote officiel Ferrari. Du coup, ils ont rapatrié Fuoco qui devait rouler en Imsa et j'ai disputé Petit-Le Mans à sa place chez Cetillar. Dans la foulée, il y a encore eu la course d'Intercontinental GT Challenge à Indianapolis. »
« Le Mans a été à la fois mon meilleur et mon pire souvenir. La gueulante de Bourdais en direction de course m'a sauvé. »
Mais le contrat Ferrari, finalement, n'est pas venu fin 2022...
« Non. Pourtant on y a cru. Ce n'est pas passé loin. Mais Amato a tout de même réussi à convaincre deux de ses pilotes, Simon Mann et Kriton Lendoudis, de me faire confiance. J'ai eu un programme de fou avec la nouvelle Ferrari GTE. Je disputais à la fois le WEC et l'European Le Mans Series. Le problème est qu'il est difficile de se distinguer dans ces championnats pour un pro car vous ne faites pas la qualif, vous roulez très peu en essais et parfois jamais en pneus neufs et vous faites le troisième relais quand vous êtes à 30 secondes du gars devant et trente secondes devant le suivant. Mais bon, je ne devais plus rien payer si ce n'est mes frais de voyage. En WEC, on a débuté avec un bon pilote Bronze. Mais on lui mettait tellement de pression qu'il a commis des fautes. Donc ils l'ont viré. Ils ont pris un deuxième qu'ils ont viré aussi, puis un troisième. Ce n'est pas comme cela qu'on peut faire quelque chose de convenable. A Spa, on roulait avec un débile mental qui a explosé la caisse dans le Raidillon. Il a fallu ramener un châssis dare-dare de l'usine pour pouvoir participer à la course. »
Puis est arrivé Le Mans...
« Le meilleur et le pire souvenir de ma carrière. Disputer Le Mans au volant d'une Ferrari AF Corse, le rêve pour un jeune pilote. Une ambiance de fou, les essais, la parade... »
Puis malheureusement un accident dès ton 2e tour de course. Raconte-nous un peu exactement ce qu'il s'est passé…
« Je suis sorti des stands pour mon premier relais et la zone 1 de la ligne de départ à la butte de la Dunlop était en slow Zone ainsi que la Zone 3 depuis l'entrée du Tertre Rouge. La Zone 2 était donc verte. Je suis arrivé le tour suivant et quand j'étais dans la Zone 1 elle est devenue verte, mais on ne m'a pas dit que la suivante était devenue jaune. Je venais d'être doublé par la Cadillac de Bourdais et je suivais une Aston. Soudainement, après la butte de la Dunlop, alors qu'il n'y avait pas de panneau « Next Slow Zone », Bourdais a pilé sur les freins. L'Aston l'a touché et moi je suis arrivé derrière et je me suis explosé dans l'Aston. Un vrai cauchemar. On s'est retrouvé en direction de course et Bourdais a gueulé en disant que ce n'était pas normal. Que cette façon de procéder en libérant zone après zone était hyper dangereuse. Ils auraient dû mettre le vert pour les trois ensemble. Il a dit que c'était débile et qu'il n'en voulait pas au pilote de la Ferrari. Les commissaires ne m'ont pas infligé de pénalité et cela a plaidé en ma faveur. Tout le monde était bien sûr extrêmement déçu, mais personne ne m'a trop fait culpabiliser même si notre course s'arrêtait là avec en plus de gros frais. Mes équipiers ont même essayé de me soutenir. Bien sûr c'était moi au volant mais ce n'était pas 100% de ma faute. »
« A Francorchamps, j'étais le pilote Ferrari le plus rapide lors des 24H et à Portimao j'ai doublé Andlauer et Nielsen lors de mon dernier relais. »
Mais tu n'as tout de même pas terminé la saison et la famille Mann t'a remercié avant la fin.
« L'ambiance n'était pas bonne en raison de ces changements de pilotes Bronze continus. Il y avait eu pas mal d'accidents avec encore un accrochage de Mann à Monza, le championnat était mort depuis longtemps et ils avaient un Japonais qui voulait absolument payer cher pour rouler à Fuji. Au point où ils en étaient, ils ont pris son argent et le manager de Simon Mann nous a appelés pour nous dire qu'on en restait là. Je n'ai plus eu de contact avec la famille Mann depuis. »
Heureusement, tu as pu tout de même finir l'année en ELMS avec une bonne dernière course à Portimao.
« Oui, là-bas cela marchait fort. Lors de mon dernier relais, j'ai dépassé Andlauer et Nielsen et je revenais sur la Porsche de Picariello en tête quand il y a eu un FCY. J'ai terminé deuxième avant d'écoper d'une pénalité me privant de podium suite à une histoire de temps de conduite non règlementaire. A Spa aussi lors des 24H, j'avais le meilleur tour en course des pilotes Ferrari. Et à la moyenne, je n'étais pas loin de Fuoco, dans les temps de Rigon. »
Cette vitesse t'as permis de garder la confiance d'Amato et AF Corse qui t'a conservé dans ses rangs et cherché un volant pour toi pour 2024.
« Oui mais c'était de plus en plus compliqué. Ils ont finalement réussi à persuader François Perrodo de me faire confiance pour épauler son beau-frère sur une Ferrari en ELMS. J'avais été en concurrence lors des discussions avec Olivier Pla qui demandait trop d'argent et Nico Varrone. Amato avait défendu ma candidature en disant que Varrone, qui roulait aussi en IMSA avec Corvette allait leur coûter trop cher en frais de voyage, etc. Ils ont dit OK et j'ai roulé à Barcelone où on m'a cédé le relais je pense au 8e rang. Il n'y a pas eu de voiture de sécurité ni donc de miracle. Entretemps, Varrone a perdu son volant aux Etats-Unis. Et il roulait déjà en LMP2 avec Perrodo qui au final lui a proposé mon baquet. Je ne pouvais rien faire. AF Corse non plus. Ce sont ceux qui paient qui décident au final. »
« On ne m'a jamais mis en confiance aux 24H. J'avais une pression monstrueuse. »
Tu t'es retrouvé fin avril sans volant...
« Pas facile. Stéphane a eu un contact alors avec Olivier Lainé du team BoutsenVDS, lui parlant d'une éventuelle possibilité pour moi de disputer les 24H de Spa. On s'est d'abord vu avant le Test Day où j'ai dû faire mes preuves. J'avais l'impression de signer un contrat de pilote de F1. Cela a traîné et cela m'empêchait de chercher ailleurs. Il y avait une clause dans le contrat stipulant que si cela se passait bien aux 24H, il était possible que je dispute la fin de saison endurance avec eux. Aux 24H, je n'ai pas commis d'erreur et je pense avoir tout bien fait, mais en fait ils voulaient un pilote Mercedes avec plus d'expérience pour préparer le futur et savaient qu'Ellis serait dispo à partir du Nürburgring. Ce n'est pas contre moi, mais ils reçoivent de l'aide de Mercedes et il est donc quelque part logique qu'ils fassent rouler des pilotes liés à la marque depuis longtemps. »
Comment juges-tu ta perf aux 24H ?
« Honnêtement, cela a été des 24H de m... pour moi car on ne m'a jamais mis en confiance. J'ai peu roulé, jamais de doubles relais. J'avais une pression monstrueuse pour ne pas sortir. Comme si j'étais un pilote qui se crashe tous les week-ends. Je n'avais plus roulé avec cette Mercedes depuis longtemps et donc cela n'a pas été facile. J'ai roulé peu, la nuit, sur une piste mixte. Je suis juste satisfait de mon dernier relais. Au final, je ne suis pas très content car j'ai investi pas mal de budget pour me retrouver sans rien. On m'avait demandé de rouler le week-end avant en GT4, pour reprendre du rythme en course, ce que j'ai fait avec une pole et une victoire à la clé. Mais cela m'a coûté des sous. »
« Je vais demander à repasser Silver pour m'aider à relancer ma carrière »
Dans quel état d'esprit es-tu désormais ?
« Là je suis en vacances et j'essaie de ne plus trop penser à tout cela. J'ai envie de continuer à rouler bien sûr, mais pas à n'importe quel prix. Je n'ai pas envie de passer ma vie à courir après les sponsors pour pouvoir montrer que je suis un très bon pilote. Je suis ouvert à toute bonne proposition bien sûr. Je prendrai ce qu'on me donne. Je suis occupé à monter un dossier pour demander à redevenir Silver. Au moins que ces récentes courses où je n'ai rien pu montrer me servent à quelque chose. C'est contre ma nature, mais si au final cela permet de rouler gratuitement à l'avenir, cela ne me coûte que 200 euros. »
La piste Ferrari est définitivement fermée ?
« Bah maintenant il y a encore Lilou Wadoux et Arthur Leclerc qui doivent avoir leur contrat. Et puis les gars qui paient un max comme Neubauer ou Vidalès. C'est comme cela, c'est le sport auto. Même en Indy Car, beaucoup de pilotes arrivent en payant des sommes folles. On le sait. Perso, je suis heureux d'avoir déjà réussi à rouler toutes ces années à un haut niveau sans avoir un père millionnaire. Merci encore à tous ceux qui ont permis cela. Une carrière est faite de hauts et de bas. Fin 2022, j'étais au top. Là c'est plus dur, mais je suis le même pilote. Je pense même être devenu meilleur sur plusieurs points. J'espère donc que j'aurai encore la chance de vite rebondir. On y travaille avec mon manager. Il y a quelques pistes. Je vais seulement avoir 23 ans. »
Que ferais tu si tu gagnais à l'EuroMillions ?
"J'irais trouver Stéphane Sertang du Garage Francorchamps, l'importateur Ferrari en Belgique, et je lui proposerais de faire un équipage Pro en GT3 Sprint Cup avec AF Corse. Et je vous garantis qu'on gagnerait des courses ! »