Seat a 70 ans - Comment est-elle devenue cette marque ambitieuse ?
C'est bien il y a 70 ans déjà que la toujours jeune marque Seat voit le jour. Elle nait de la volonté du gouvernement espagnol, qui veut à la fois se doter d'une industrie capable de mettre la population au travail, tout en lui donnant accès à la mobilité. Comme dans beaucoup de pays durant ces années-là, on a besoin de quelque chose pour sortir du marasme d'après-guerre, et c'est particulièrement vrai dans le cas de l’Espagne, que le régime de Franco place dans un relatif isolement international. Or, alors qu'aujourd'hui l'automobile semble être aux yeux de certains la cause de tous les maux, elle est à l'époque une industrie pour ainsi dire salvatrice.
Un coup de main… de la Botte
Bien sûr, l'Espagne ne peut pas mettre seule sur pied une industrie automobile de grande ampleur. Elle a besoin d'un partenaire, et le trouve de l'autre côté de la Méditerranée. Déjà un grand pôle automobile, l'Italie accueille à bras ouverts ce marché où elle pourra écouler ses produits de façon détournée, et ainsi mieux se redresser elle-aussi. C'est donc Fiat qui va parrainer la naissance de Seat, en lui permettant de construire ses modèles sous licence, voire de les modifier légèrement et d'y apposer le badge espagnol. Les bases sont jetées !
La première Seat sort en 1953 d'une usine flambant neuve bâtie dans la zone franche de Barcelone. Il s'agit d'une familiale 4 portes nommée 1400, précisément comme sa presque jumelle Fiat. Ce premier modèle espagnol a en outre la chance d'être plutôt moderne, puisqu'il dispose déjà d'une carrosserie autoportante, ce qui n'est pas encore la norme à l'époque. Produite jusqu'en 1963, la Seat 1400 évoluera sur le plan mécanique au même rythme que la Fiat, et rencontrera un succès certain dans son pays. Mais le vrai essor de Seat viendra avec un autre modèle, aujourd'hui plus adulé en Espagne que ne l'est son pendant Fiat en Italie.
600
Cette petite révolution arrive en 1957 : c'est la Seat 600, copie évidemment presque conforme de la Fiat 600, lancée deux ans plutôt. Et alors qu'en Italie la 600 va être pratiquement effacée par la 500, lancée elle aussi en 1957, elle aura sa revanche en Espagne, où elle devient une véritable star du marché. Simple et abordable, la Seat 600 permet à bien des Espagnols de s'offrir une voiture, et le sentiment de liberté qui va avec. Un sentiment dont ils avaient tant besoin !
Sortie de production en 1973, la 600 sera construite à plus de 800.000 exemplaires, presqu'exclusivement vendus en Espagne puisque Seat n'a commencé à exporter timidement qu'en 1965. Bref, pour tout ce qu'elle représente, la Seat 600 est aujourd'hui un objet culte dans la péninsule ibérique.
Couper le cordon
Durant son premier quart de siècle d'existence, Seat se contentera de reproduire des modèles italiens, son seul espace de liberté étant d'apporter de légères modifications à ses modèles pour mieux coller aux attentes du marché espagnol. Par exemple, il existera une Seat 600 allongée et dotée de 4 portes, une petite version utilitaire nommée 600 Formichetta, ou encore une version 4 portes "à coffre" de la Seat 850. Nous mettons des guillemets à coffre car derrière cette carrosserie 3 volumes, se cache toujours un moteur arrière. L'allongement de la poupe ne sert donc qu'à répondre aux préférences esthétiques des conducteurs espagnols.
Un premier signe d'indépendance apparaît en 1976, avec la Seat 1200 Sport, surnommée "Bocanegra" (bouche noire) en raison de son nez en plastique. Son seul élément Fiat est son moteur, hélas un peu faiblard, ce qui handicapera le succès de la voiture pourtant exportée dans toute l'Europe. Quoi qu'il en soit, Seat s'émancipe, et n'aura bientôt plus d'autre choix que de le faire plus encore.
D'un partenaire à l'autre
A la fin des années 70, le gouvernement espagnol veut céder ses parts de Seat, et Fiat est évidemment bien placée pour totalement absorber la marque espagnole. Mais en découvrant que la marque avait des dettes "cachées", Fiat retire ses billes et Seat est livrée à elle-même. Pendant deux ans, rien de nouveau ne sort et les ventes périclitent. Puis, en 1982, arrive un nouveau partenaire. Le groupe VW entre au capital de la marque et utilise les usines espagnoles pour produire localement des VW et des Audi. Puis le gouvernement espagnol se décide à injecter des fonds dans Seat, qui peut à nouveau développer de nouveaux modèles.
Cette année-là arrive la familiale Ronda, première Seat à porter le nom d'une ville espagnole, comme elles le font (presque) toutes encore aujourd'hui. Puis vient la citadine Fura. Ces modèles rencontrent un très honnête succès en Espagne comme en dehors.
Mais le premier best-seller international, celui qui fera vraiment connaître Seat dans toute l'Europe, est lancé en 1984 : l'Ibizaaaa ! Un dessin signé Giugiaro, un moteur mis au point par Porsche, des tarifs compétitifs… l'Ibiza a tout pour plaire et de fait, elle plait !
La reprise totale par VW au début des années 90, et donc les nouveaux modèles basés sur la technologie allemande, ne fera ensuite que renforcer la position de la marque espagnole.
Le sport
C'est très tôt mais assez timidement que Seat a tâté de la voiture sportive. Car avant la 1200 Sport évoquée plus haut, il y avait déjà eu la 850, en 1966. Suivant forcément l'exemple italien, Seat proposera la 850 Sport Coupé, ainsi que la très élégante 850 Sport Spider de 1969, qui reste (hélas) le seul cabrio badgé Seat à ce jour. On se souvient pourtant du très prometteur concept-car Tango de 2001, auquel un directoire peut-être trop rationnel a choisi de ne pas donner suite.
C'est avec la berline 124 que Seat se lance vraiment dans le sport, et même dans la compétition. Cette voiture performante et très bien conçue était en effet extrêmement populaire auprès des pilotes de rallye. Le constructeur se dote de son propre département compétition au début des années 70 mais pour de réelles déclinaisons sportives grand public, il faudra attendre l'ère VW.
L'Ibiza 1 avait déjà connu une version SXI 100ch, et les choses sérieuses commencent avec l'Ibiza 2 lancée en 1993. Elle, elle aura droit à une version GTI digne de ce nom, et même deux, l'une de 115, l'autre de 130 chevaux. C'est sur base de cette Ibiza GTI que Seat développe en 1996 son propre label sportif. La voiture tire 150 chevaux d'un moteur 2 litres et, ayant été créée pour l'homologation de l'Ibiza en compétition Kit Car, elle reçoit un nom qui est la contraction de Cup Racing. Cupra est né !
Look méchant, réglages plus "radicaux" et prix ultra compétitifs par rapport aux rivales, l'Ibiza Cupra enchante les amateurs de petites bombes. Outre l'Ibiza, la Leon aura elle aussi droit à ses versions Cupra.
Votre serviteur garde encore un souvenir ému de la première Leon Cupra R (2003), forte de 225 chevaux et de son châssis plus communicatif que celui de sa cousine Golf GTI, mais plus encore de la Leon Cupra 4 (2000), moins pointue mais tellement jouissive avec son moteur VR6 2.8l 200ch et ses 4 roues motrices.
On peut saluer Seat de n'avoir jamais galvaudé le label Cupra. Chaque modèle qui l'a porté était véritablement sportif, ce qui n'a parfois été que vaguement le cas de modèles français ou allemand estampillés GTI.
De label à marque
Depuis 2018, Cupra n'est plus un label mais une marque sportive à part entière. Son premier modèle est le Cupra Ateca, version évidemment sportive (300ch) du SUV Seat du même nom. La plupart des Cupra seront des Seat vitaminées mais promis, il y aura aussi des Cupra spécifiques.
D'ici quelques mois arrivera en effet le Formentor, un SUV coupé hybride rechargeable de 245ch, dont le design ne ressemble en effet à rien de ce qui se fait chez Seat. D'autres modèles devraient suivre, et on peut aussi supposer que Cupra développera des modèles de sport 100% électriques. D'ailleurs, la marque s'est penchée sur le sujet dès ses premiers mois d'existence avec la e-Racer, un prototype basé sur la Seat Leon, équipé de plusieurs moteurs électriques capables de délivrer une puissance totale située entre 400 et 670 chevaux.
En 70 ans, Seat a donc parcouru un chemin que la plupart de ses rivales ont mis plus d'un siècle à parcourir. Ca méritait bien quelques pages, et un "Compleaño Feliz" !