Cédric Cherain: « Thierry Neuville a été un des premiers à m'envoyer ses félicitations »

il y a 4 mois Olivier de Wilde

Entretien avec le nouveau champion de Belgique des rallyes qui remettra son titre en jeu avec Hyundai.

Au lendemain de son premier titre national, nous avons eu un long entretien exclusif avec Cédric Cherain, le tout nouveau champion de Belgique.

Cédric, que représente pour toi ce titre de champion de Belgique ?

« C'est l'aboutissement de pas mal d'années de travail, d'efforts pour réunir les budgets afin de pouvoir rouler, d'abnégation. Je n'ai jamais arrêté, j'y ai toujours cru. Depuis 22 ans que je roule, j'ai toujours trouvé des solutions, des partenaires pour parfois disputer seulement trois ou quatre courses sur la saison. Je n'ai jamais rien lâché. Je dois ce titre à beaucoup de monde, mais aussi à la popularité du rallye en Belgique. Merci aux organisateurs, aux médias, aux spectateurs car sans eux j'aurais eu bien plus de difficultés à trouver des sponsors. Maintenant que j'ai coché cette case, je vais pouvoir aborder la suite plus détendu. »

« Il n'y a que la première place qui compte »

Cette couronne représente plus pour toi que ta première victoire en BRC ou que ta deuxième place au Condroz (et 1er Belge) avec la Porsche par exemple ?

« Honnêtement, je suis un homme de victoire. J'ai un fighting spirit et pour moi il n'y a que la première place qui compte. C'est le plus important pour les partenaires car on parle rarement du second. Sauf quand il est champion de Belgique ! Si je ne devais avoir les moyens que de disputer quatre rallyes, je ferais tout pour bien les préparer et essayer de les gagner. »

Ce titre va certainement t'aider à repartir pour une saison supplémentaire en 2025. Cela devrait faciliter ta recherche de partenaires ?

« Clairement. Je sais déjà que Hyundai Motorsport continuera à me soutenir. J'ai emmené le patron de Kroon Oil pour un baptême à Spa et il est ravi du titre et des retombées. Le journal La Meuse me soutient depuis des années déjà. Cela se présente déjà bien. »

A 41 ans, tu te sens plus fort que jamais ?

« Tout à fait. Je n'ai jamais aussi bien piloté. On le voit aussi en WRC, l'expérience est primordiale en rallye. Je suis mieux dans ma tête car je n'ai plus constamment une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Mon prochain rallye ne dépend pas de celui que je dispute. Je suis plus serein car depuis deux ans, je sais que je pars pour la saison complète ce qui m'est très rarement arrivé pour des raisons financières. Je sais que la Hyundai est un peu moins performante sur le papier, mais j'ai réussi à compenser. Et l'équipe BMA a aussi fait du super boulot, mes ouvreurs, tout le monde. Les évolutions prévues par Hyundai pour 2025 vont nous aider. »

Il ne faut pas oublier ton équipier Damien Withers.

« C'est vrai. Il ne vient pas du monde du rallye. Son papa a une société de dépannage et a été un de nos sponsors en 2016-2017. C'est ainsi que j'ai rencontré Damien qui venait nous voir rouler. Il a appris le métier de copilote et a franchi encore un pas cette année grâce notamment aux conseils de Nicolas Gilsoul. Ce qu'il fait est très honorable pour un amateur. Ce titre est clairement aussi le sien. »

« Ma saison en Porsche m'a bien aidé »

Tu as toujours été très rapide, mais tu as aussi commis pas mal d'erreurs. Aujourd'hui, on a l'impression que ta maturité te permet de mieux contrôler cette vitesse.

« C'est exactement cela. Comme pour Kris Meeke, champion du Portugal avec Hyundai à 45 ans. Maintenant, je ne prends plus autant de risques. Je parviens à rouler à 99% en gardant la petite marge de sécurité qu'il faut. Ma saison en Porsche m'a bien aidé pour cela car avec la puissante GT tu ne fais pas le malin. Il faut plus anticiper. J'ai appliqué ce que j'ai appris avec la Porsche à la Rally2 et cela m'a bien aidé. »

Quand tu as débuté en rallye, qui était ton idole ? Le pilote qui te faisait rêver ?

« Je dirais Freddy Loix. Je venais le voir rouler dans les années 90 avec la Celica Marlboro aux Boucles de Spa et c'était wouaw. Il y avait bien sûr aussi Bruno Thiry, le trop gentil. Puis il y a eu le Snipper, Thierry Neuville, un des premiers à m'avoir envoyé ses félicitations par message d'ailleurs. Cela fait plaisir. »

« Je suis comme le gouda, un mi-vieux »

Début des années 2000, tu étais considéré comme un grand espoir. Tu avais reçu un peu d'aide de Bruno Thiry qui disait le plus grand bien de toi et est ce que Michel Lizin, le dénicheur de talents belges, ne s'était pas aussi intéressé à toi ?

« Si. Fin 2004, il y a vingt ans, j'ai été élu Espoir de l'année par le RACB et la presse. J'ai reçu mon prix des mains de François Duval. J'ai effectivement eu une réunion avec Michel Lizin qui manageait quelques pilotes en Mondial, mais cela a coincé à cause d'une personne dans mon entourage qu'il n'aimait pas. En plus je n'avais pas assez de budget. Si j'ai décroché ce titre très tard c'est aussi clairement car ce n'est que la deuxième année que je dispute le championnat dans son intégralité. Et puis, je voudrais ajouter que je n'ai pas toujours été très chanceux. Je me souviens d'un Condroz que je menais avec trente secondes d'avance sur Craig Breen quand j'ai commis une petite erreur payée cash.»

Tu es très populaire auprès des fans. Ta saison en Porsche y a bien contribué, non ?

« Certainement. Quelle voiture incroyable ! Lionel Hansen et le team August avaient fait un boulot extraordinaire. Mais il fallait l'emmener. C'était sans doute l'auto la plus compliquée mais la plus grisante aussi que j'ai pu piloter dans ma carrière. »

Dimanche dernier, quand tu as perdu 16 secondes sur un tout-droit dans la première spéciale matinale, tu ne t'es pas énervé. Et surtout tu n'as pas essayé des les récupérer dans la suivante. Au contraire, tu as décidé dès lors d'assurer une deuxième place synonyme de titre. C'est cela le nouveau Cherain ? Tu as appris à calculer ?

«Franchement oui. C'est exactement cela. Tu ne t'imagines pas le nombre de gens qui étaient venus pour assister à mon sacre. Je ne pouvais pas risquer de décevoir tous ces gens pour ma gloriole. Je ne pouvais pas hypothéquer mes chances de titre. Cela aurait été un manque de respect envers mes partenaires, mes supporters. J'ai donc décidé d'assurer sagement cette deuxième place. »

« Si je gagnais 50 millions au Lotto, je m'offrais 2 ou 3 rallyes en WRC1 »

L'ambiance est-elle bonne en championnat de Belgique des rallyes ?

« Entre les pilotes tout va bien. Maxime Potty est un chouette gamin. Je regrette plus l'attitude de certaines personnes de son entourage. Il faut parfois savoir prendre de la hauteur. »

Tu dis souvent que tu travailles le lundi après un rallye. Tu fais quoi comme boulot ?

«Disons le lundi après-midi après un rallye !  J'ai une société qui vend des châssis. Et avec ma femme, on a plusieurs magasins de vêtements. »

Tu te vois encore rouler en rallye longtemps ?

« Quand je vois Jos Verstappen qui est un vrai passionné et gagne des rallyes à 52 ans avec peu d'expérience de la discipline, je me dis que j'ai encore de belles années devant moi. Freddy Loix est un bel exemple aussi. Je suis comme le gouda, un mi-vieux. Mais je ne me suis jamais senti aussi bien. J'adore le rallye et j'espère pouvoir continuer à écumer nos spéciales encore quelques années certainement. »

On t'a vu voici quelques année disputer le Monte-Carlo sur une Skoda Rally 2 en compagnie de Stéphane Prévot. Un bon souvenir ?

« Oui et non. C'est toujours un rêve de disputer un rallye aussi prestigieux. Dans la première spéciale, j'ai signé le 3e temps à une seconde d'Oliver Solberg. Puis dans la suivante, on a crevé. Le lendemain, je repartais derrière des Alpine que je rattrapais en spéciale et cette crevaison a compromis toute la suite. »

Pas envie de refaire un Mondial comme le Central Europe ?

« C'était prévu en début d'année. Puis on a préféré utiliser le budget prévu pour cela pour disputer Jalhay et les Crêtes afin de préparer au mieux la finale du championnat. »

« Je veux encore gagner Ypres et effectuer un test en WRC1»

Maintenant que tu es champion de Belgique, tu rêves de quoi ?

« De gagner Ypres, la seule grande course belge manquant à mon palmarès. Sinon, je dirais de pouvoir piloter une fois une Hyundai WRC1. Mais cela devrait logiquement pouvoir être le cas car il y avait une sorte de challenge pour les clients Hyundai avec un test de 30 km en WRC1 pour le vainqueur. Et je crois bien que je l'ai emporté. »

Que ferais-tu aujourd'hui si tu gagnais 5 millions d'euros au Lotto ?

« J'investirais dans l'immobilier. Par contre, si tu me dis que je gagne 50 millions alors je m'offrirais deux ou trois manches en WRC1 façon Jourdan Serderidis. »

Mots-clés: Rallye Sports Moteur

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